samedi 29 décembre 2012

Comment défaire la troïka ? Une conférence ouvrière européenne fin mars en Espagne


Comment défaire la troïka ? Une conférence ouvrière européenne fin mars en Espagne





Les dockers des ports de Lisbonne, Aveiro, Figueira da Foz et Setubal sont en grève depuis trois mois pour défendre leur contrat collectif de travail, refuser le chômage et la précarité.Les dirigeants du Syndicat des dockers de Lisbonne, qui ont signé dès le début l’appel à la conférence ouvrière européenne, qui se tiendra en Espagne les 15, 16 et 17 mars, répondent aux questions de Carmelinda Pereira, militante du Parti ouvrier d’unité socialiste (POUS) et de l’Entente internationale des travailleurs et des peuples, rédactrice du journal portugais Militant socialiste.
Votre grève dure depuis trois mois. Vous dites qu’elle est aujourd’hui « une tranchée de résistance » dans le combat de tout le peuple travailleur portugais. Qu’entendez-vous par là ?
Vitor Dias, président du Syndicat des dockers de Lisbonne : le combat des dockers fait partie du processus de la lutte entre deux classes. 

Nous sommes en grève pour préserver le travail avec des droits, la garantie de l’emploi et résister à la précarité qu’on veut nous imposer.
Nous résistons au moment où l’écrasante majorité des citoyens de notre pays est attaquée dans tous ses droits. Nous faisons partie de ces citoyens. En ce sens, notre résistance « debout », alors que tant d’autres se sont habitués à courber l’échine, a une dimension qui nous dépasse. Nous sommes un pôle où se retrouvent actuellement de nombreux syndicalistes d’autres secteurs. Si nous ne combattons pas et ne résistons pas, nous ne réussirons pas à nous en sortir face à cette attaque brutale. Lutter et résister, comme nous l’avons fait jusqu’à maintenant, c’est déjà une victoire. Nous refusons d’accepter de baisser la tête, comme ils veulent l’imposer à tout le peuple. Et si notre lutte pouvait être l’embryon d’un nouveau mouvement rassembleur, nous ne le refuserions pas. 
Joao Alves, responsable des relations internationales du syndicat : notre syndicat a toujours été un peu isolé du reste du mouvement syndical. Maintenant, des syndicalistes veulent discuter avec nous. Ils veulent connaître et comprendre notre résistance. Je pense que tout le mouvement syndical doit évoluer vers un autre niveau, un niveau où chacun se sent mobilisé et responsabilisé, au lieu de penser que la direction résout tout. Nous devons discuter de quel avenir nous voulons avoir comme organisation syndicale, quels sont nos objectifs, quelle est notre place au Portugal et dans le monde. 
Dans la situation où nous sommes, il ne va plus y avoir d’emplois pour tous. Comment va s’organiser la société ? Acceptons-nous que l’on nous dise que l’on va vivre de la charité ? 
Nous n’acceptons pas la situation de tant de travailleurs au chômage, quel que soit leur âge. Il faut les organiser en syndicats, sous la responsabilité de l’UGT (Union générale des travailleurs – NDLR) et de la CGTP (Confédération générale des travailleurs portugais – NDLR). Il faut trouver les formes de soutien solidaire quand on lutte. Et si, comme syndicat, il nous faut déléguer certaines tâches, eh bien nous avons devant nous ces camarades au chômage. Par exemple, nos affiches de soutien à la grève générale du 14 novembre ont été faites par des travailleurs au chômage.
Il nous faut trouver la façon de nous soutenir, de soutenir les nôtres. Je ne cesse de donner aux plus âgés. La dette dont nous avons hérité d’eux est tellement grande ! C’est pourquoi, dans notre syndicat, nous avons construit une association qui paie un complément de retraite, même si ce n’est pas grand-chose, aux camarades dockers qui ont des pensions très basses.
Une travailleuse de banque m’a demandé de l’informer sur la façon de constituer un fonds de grève. Je lui ai dit que c’était très simple. Il faut que chacun verse aux organismes représentatifs des travailleurs de chaque syndicat la somme qu’il peut donner, afin de soutenir le syndicat pour qu’il accomplisse toutes les fonctions qui lui incombent, pour maintenir un service juridique, avec des avocats pour nous défendre, pour lutter lorsque c’est nécessaire. Nos grands-pères avaient déjà compris que c’était là la seule voie, et ils ont construit cette solidarité. Ils ont pris leur retraite, et ils ont laissé toute cette richesse, dans le syndicat, pour l’avenir.
Nous nous en servons aujourd’hui, comme nous utilisons l’argent que nous accumulons dans les périodes calmes.
Nos camarades savent cela. Ils savent aussi que, malgré tant de combats, la victoire n’est pas garantie. Mais nous n’avons pas d’autre voie. Nous devons être, de fait, un contre-pouvoir, sinon nous serons les victimes du pouvoir économique et financier et des politiques qui le servent. (...)
Vous avez signé l’appel à la conférence européenne. Comment voyez-vous cette initiative dans ce contexte ?
Joao Alves : cette conférence peut être un pas très important sur le chemin qu’il nous faut parcourir. Aujourd’hui, le monde et l’exploitation sont globalisés. Le pouvoir contre les travailleurs est immense. Une réponse internationale est urgente. Nous appartenons à un syndicat mondial. Ce principe existe parmi les dockers. 
Il nous faut élaborer, tout de suite, une plate-forme internationale contre la dérèglementation du travail en Europe. 
A l’Assemblée de la République, le gouvernement vient d’obtenir le vote d’une loi institutionnalisant l’offensive contre les travailleurs portuaires. Vous considérez cette loi comme anticonstitutionnelle. Pourquoi ? 
Vitor Dias : nous considérons qu’elle est anticonstitutionnelle car elle ne laisse pas d’espace pour la libre négociation entre les représentants des travailleurs et ceux des organismes patronaux. Elle établit les limites de cette négociation et vise l’institutionnalisation de la précarité.
Le Parti communiste portugais, le Bloc de gauche et les Verts soutiennent nos positions, mais ils n’ont pas suffisamment de députés pour réclamer l’anticonstitutionnalité de cette loi. 
Nous allons dénoncer cette loi à l’Organisation internationale du travail (OIT), car elle viole la convention n° 137 que l’Etat portugais et les deux centrales syndicales ont signée. Nous allons le faire en nous appuyant sur notre fédération internationale.
Ce n’est pas une attaque exclusivement contre le Portugal. L’objectif de la Commission européenne est de précariser le travail portuaire. Elle a déjà essayé de le faire à plusieurs reprises. Mais notre mobilisation, dans toute l’Europe, les a obligés à reculer. Maintenant, ils profitent de la situation au Portugal et en Grèce pour faire passer la directive contre les travailleurs de ces deux pays. S’ils y parviennent, ils auront un précédent pour approuver la loi au Parlement européen, contre les dockers des autres pays. C’est pourquoi ils ont écrit dans le mémorandum de la troïka :
« Il faut flexibiliser le travail portuaire. » A cela, le gouvernement ajoute l’attaque contre la loi sur la grève. Ce sera utilisé pour briser la colonne vertébrale des organisations syndicales des dockers. 
Comme l’a dit le secrétaire d’Etat aux Travaux publics, aux Transports et aux Communications, Sergio Monteiro :
« Il faut retirer son pouvoir au Syndicat des dockers du port de Lisbonne. »
Conférence ouvrière européenne15, 16, 17 mars - Tarragone - (Catalogne - Etat espagnol)
Pour “contribuer, de façon coordonnée, dans chacun de nos pays, à lever les obstacles qui se dressent contre la réalisation de l’unité :
  • pour abroger les plans assassins de l’Union européenne et ses traités ;
  • contre la dictature de la troïka !”
Premiers signataires du Portugal : 
Alvaro Neto Orfao (ex-président du conseil municipal de Marinha Grande, PS) ; Ana Sofia Cortes (déléguée syndicale du Syndicat des travailleurs de la fonction publique du Sud et des Açores, STFPSA-CGTP, Lisbonne) ; Antonio Aires Rodrigues (dirigeant du POUS, député PS à l’Assemblée constituante de 1976, Marinha Grande) ; Antonio Brinco (membre de la direction régionale de Setubal du SPGL-CGTP*) ; Antonio Chora (coordinateur de la commission des travailleurs de Volkswagen-Autoeuropa*) ;Antonio Fernandes (dirigeant du Syndicat des dockers, Aveiro*) ; Carmelinda Pereira (dirigeante du POUS, député PS à l’Assemblée constituante de 1976, Lisbonne) ; Eduardo Marques(dirigeant du Syndicat des dockers, Aveiro*) ; Isabel Pires(membre de la direction régionale de Lisbonne du Syndicat des professeurs du Grand Lisbonne, SPGL-CGTP*) ; Joao Alves(dirigeant du Syndicat des dockers, Lisbonne*) ; Joaquim Pagarete (membre de la direction des retraités de l’union des syndicats de Lisbonne, USL-CGTP*) ; Licinio de Sousa (verrier, membre du Bloc de gauche, Marinha Grande) ; Pedro Correia(architecte, Marinha Grande) ; Sandra Cruz (dirigeante du SPGL, Setubal*) ; Vitor Dias (dirigeant du Syndicat des dockers, Lisbonne*).
(* : à titre personnel.)

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