jeudi 23 août 2012

Syrie : pas d'intervention !,la mise en garde de Jean Fleuryancien chef d'état-major de l'armée de l'air française


  1. LE MONDE | 23.08.2012
    Par Jean Fleury, général, ancien chef d’état-major de l’armée de l’air française
    Personne ne peut être indifférent au drame qui se déroule en Syrie. Aussi, en raison de l’exemple libyen, de nombreuses voix s’élèvent pour demander une intervention militaire. Certains réclament la mise en œuvre de toutes les mesures nécessaires, comme cela avait été demandé par le Conseil de sécurité de l’ONU, en 1990, pour libérer le Koweït ou, en 2011, pour protéger les populations que Mouammar Kadhafi voulait massacrer.
    Mais, pour que l’aviation puisse détruire les chars ou les pièces d’artillerie menaçant les civils, il faut qu’elle ait au préalable la maîtrise du ciel, c’est-à-dire mis hors de combat batteries sol-air et chasseurs ennemis.
    Dans le cas libyen, ce n’était pas trop difficile car la force aérienne du dictateur était peu opérationnelle et ses moyens terrestres de défense contre les avions ont été rapidement détruits.
    Pour la Syrie, la chanson n’est pas la même. Son armée de l’air totalise environ 500 avions de combat, soit deux fois plus que la nôtre ; bien qu’une partie d’entre eux seulement soit moderne, leur nombre et la qualité d’un entraînement conduit en vue d’une guerre éventuelle avec Israël en font un adversaire sérieux. Nous ne sommes pas de taille à l’affronter.
    En juin, quand les Turcs ont voulu tester la défense aérienne syrienne (pour tout expert en la matière, c’est une évidence à l’examen des trajectoires publiées), la réaction ne s’est pas fait attendre et l’appareil a été abattu. Pour venir à bout aujourd’hui de l’aviation de Bachar Al-Assad, il faudrait employer toute la machine de guerre américaine et utiliser les aéroports de Grèce et de Chypre, voire du Moyen-Orient. Pour la Libye, c’est notre armée de l’air seule qui a conduit le premier raid de libération de Benghazi. Si l’aide américaine a été indispensable pour la poursuite de la guerre, nous n’en avons pas moins effectué près du quart des missions de protection de la population menacée par Kadhafi, nous plaçant ainsi au premier rang de la coalition.
    Face à la Syrie, nous ne serions qu’une petite force d’appoint placée sous les ordres de Washington ; ce ne serait pas très glorieux.
    Quant à la zone d’exclusion aérienne réclamée par d’autres, elle pose exactement le même problème car pour détruire les appareils de Damas en vol, il faut une maîtrise du ciel encore plus parfaite !
    Il m’a paru étonnant que ce point de vue n’ait pas été davantage émis. Mais il y a à cela une bonne raison : ce serait reconnaître la faiblesse de notre aviation militaire. Lors de la première guerre du Golfe en 1991, l’armée de l’air française disposait de 450 avions de combat auxquels s’ajoutaient 32 Mirage IV de la force aérienne stratégique.(...)

    Jean Fleury, général, ancien chef d’état-major de l’armée de l’air française


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